LE RÔLE PRIMORDIAL DES ÉMOTIONS DANS LES APPRENTISSAGES N’EST PLUS À DÉMONTRER. PARCE QU’IL EST IMPOSSIBLE AUX ENFANTS ET ADOLESCENTS DE S’EN DÉTACHER, ELLES INTERVIENNENT NOTAMMENT DANS LES PROCESSUS DE CONCENTRATION, DE MÉMORISATION ET DE MOTIVATION. NÉGATIVES, ELLES BLOQUENT TOUTE CAPACITÉ À APPRENDRE. ALORS, COMMENT RÉDUIRE LEUR IMPACT DÈS LE DÉBUT DE L’ANNÉE ?
L’émotion est un état subjectif et personnel. Elle pourrait se définir comme un état affectif d’intensité variable survenant à la suite d’un stimulus qui déclenche un ressenti propre à chacun. Impossible donc de dissocier l’individu de ses émotions, encore moins les enfants et les adolescents. Apprendre suppose de risquer l’échec, d’accepter de ne pas tout savoir tout de suite, de rencontrer le monde de l’autre, des enseignants et de ses pairs, de s’exposer à l’autre. Lorsque la colère vient en réponse à ces déstabilisations, la révolte intérieure s’installe barrant toute tentative d’adaptation. Quelques mises en lumière s’imposent afin d’aider les élèves à mieux gérer leurs émotions en situation d’apprentissage.
Si ces obstacles déclenchent la peur d’apprendre La rencontre avec les contraintes
La rencontre avec les contraintes de l’apprentissage ne se passe pas sans difficulté, mais accepter d’être déstabilisé, de se sentir dans l’inconfort peut déclencher une anxiété, voire être ressenti comme une menace. Face à ces obstacles, certains basculent dans la peur d’apprendre et l’évitement de penser. Elle se traduit fréquemment par une certaine apathie, une absence intellectuelle, ou encore par une expédition bâclée du travail. La tentation est grande pour le pédagogue comme pour le parent de réagir fortement pour réveiller l’élève. Mais voilà, des phrases comme « Mais tu ne comprends rien ou quoi ? Tu le fais exprès ? » déclenchent très souvent de la colère, liée au sentiment d’impuissance à satisfaire l’adulte. Que faire alors ?
C’est à l’adulte qui encadre le travail de renoncer, en premier lieu, à changer l’élève. Les injonctions ne fonctionnent pas ! Chercher avec lui ce qui est modifiable sera infiniment plus profitable. Cela prend du temps, mais, au bout du compte, le changement sera durable. Dans un second temps, aider l’élève suppose de lui permettre :
- d’accepter d’être confronté à l’inconfort, l’adulte pouvant se poser comme modèle ;
- d’admettre l’incertitude inhérente à toute phase d’apprentissage ;
- de faire le deuil de sa toutepuissance, c’est-à-dire du « tout et tout de suite », en illustrant par des exemples personnels ;
- d’apprendre à se connaître.
Passer de la peur d’apprendre au plaisir d’apprendre est possible si l’adulte sait reconnaître et comprendre les signes de révolte chez l’enfant ou l’adolescent. Lorsque la confrontation au savoir n’est plus un danger, les émotions bloquantes disparaissent et le miracle opère.
Les émotions ne s’arrêtent pas à la porte de l’école
Malheureusement, non. Et face aux émotions négatives telles que la colère, le dégoût, ou des situations de stress qui inhibent les capacités de concentration, l’enseignant se doit d’être émotionnellement bien outillé. Le cerveau pensant de l’élève est comme désactivé, le ressenti prenant toute la place. Adieu donc planification, attention, anticipation, organisation ou concentration ! Inutile de le raisonner, cela ne fera qu’empirer la situation. En revanche, lui proposer un moyen pour accéder à davantage de calme, pour ensuite en discuter lui fera le plus grand bien, et lui évitera d’accentuer son malaise par la pensée d’une journée gâchée. Certaines écoles ont déjà introduit quelques minutes de méditation quotidienne : ce n’est pas seulement un effet de mode, mais un véritable moment où le cerveau apprend à se recentrer sur le présent. Un entraînement quotidien qui permet à chacun de « faire le vide », d’adapter le fonctionnement de son cerveau aux circonstances, d’acquérir de la plasticité cérébrale. Encore une fois, ce sont les, encouragements, les constats de progrès – même minimes – ou d’un effort qui aideront l’élève à rester connecté. Un enfant, un adolescent qui s’entend dire toute la journée qu’il ne se concentre pas ou qu’il risque de redoubler devient progressivement incapable de se représenter en réussite. Élèves et enseignants peuvent collaborer dans une relation où la colère n’aurait pas de place, si et seulement si l’on autorise un temps pour traiter ces émotions dévorantes comme il se doit et les remettre à leur place, c’est-à-dire en dehors du processus d’apprentissage.
Lorsque la colère monte lors des devoirs à la maison
« Ma mère ne voit plus que mes notes et celles du premier de ma classe. Elle ne me voit plus moi. » Ce témoignage d’un enfant de sixième révèle combien la pression peut venir troubler le paysage affectif et familial. Colère parentale par peur que l’enfant ne soit pas à la hauteur ; colère adolescente ou enfantine par crainte de ne plus être aimé : quelles que soient les raisons de la colère, elle est bel et bien là ! Désamorcer les tensions s’impose, car les dégâts occasionnés par ces affrontements quotidiens sont pires que les mauvaises notes. Les parents demandent de plus en plus à être accompagnés dans cette démarche, même s’ils consultent en premier lieu pour l’enfant. Apprendre à installer un cadre détendu, mais exigeant, initier l’enfant à sa propre manière d’apprendre, tenir compte de ses émotions face aux obstacles sans rester bloqué, explorer des méthodes… Faire le choix conscient de passer un bon moment avec son enfant est aussi important pour le parent que pour l’enfant. Les bénéfices sur les apprentissages sont assurés ! La révolte, qu’elle soit active ou passive, n’est qu’un indicateur de notre compréhension du fonctionnement de l’enfant. Trouver des leviers de motivation appartient aux adultes qui l’encadrent.
Bonne rentrée !
Valérie THEVENIAUT