L’ART DE COMPOSER UN TEXTE N’EST PAS UNE MINCE AFFAIRE SI L’ON CONSIDÈRE TOUTES LES CONTRAINTES IMPOSÉES LORS DES SUJETS DE RÉDACTION. SE METTRE À ÉCRIRE, MÊME POUR UN ADULTE INTELLECTUELLEMENT DOTÉ DES OUTILS ADÉQUATS, EST TOUJOURS ENVISAGÉ AVEC UNE CERTAINE APPRÉHENSION. MAIS POURQUOI EST-CE SI DIFFICILE D’ÉCRIRE?
Écrire, c’est un peu comme se lancer dans le vide. Il faut à la fois livrer ses idées, les organiser, suivre un plan, formuler des phrases correctes, avoir du style, utiliser des procédés précis et rester vigilant sur l’orthographe. Entre la peur de l’échec, celle de la page blanche, l’autocensure et le perfectionnisme, les freins sont nombreux et les blocages fréquents en milieu scolaire. Bien maîtriser l’écrit s’apprend et suppose la conscience des actions à enchaîner, de l’organisation et un peu de lâcherprise. «Aux grands mots, les grands remèdes», il est donc temps de dégager quelques stratégies pour dépasser ces blocages sans jeux de mots.
Écouter sa petite voix intérieure
Les pensées qui vous habitent avant d’écrire ou pendant l’écriture conditionnent votre motivation, votre concentration et votre persévérance. «Je ne suis pas écrivain, moi!», «Je suis nul, j’ai trop peur qu’elle le lise devant tout le monde» ne vous conduiront qu’à vous persuader qu’écrire ne sert à rien et à entretenir votre stress et votre blocage. Si vous décidez de passer à l’action, parlez-vous comme le ferait un entraîneur sportif ou votre meilleur ami. Lâcher prise avec vos démons intérieurs vous fera le plus grand bien! C’est vous et vous-même qui vous vous autoriserez à démarrer ce travail d’écriture. Soyez gentil avec vous-même, encouragez-vous! Qui, mieux que vous, saurait le faire?
«Le blocage est confortable, il vous évite de vous confronter à la critique, à l’échec, mais aussi au succès»
Identifier les moments de «non-blocage», ce qui fonctionne pour vous
Quels sont les moments où le blocage ne se manifeste pas? Dans d’autres disciplines, à d’autres endroits, d’autres moments? Où vous sentez-vous en réussite? Identifiez ce qui a été efficace lors de ces moments de productivité et notez toutes les conditions qui ont rendu possible cette réussite: le lieu, l’ambiance, les émotions, l’envie… Pour ressentir de la satisfaction face à un travail, vous pouvez reproduire ces conditions qui vous ont fait avancer et faire taire votre petite voix intérieure destructrice et inutile. Seule la conscience de ces moments d’efficacité vous rendra service. Pour les plus jeunes, il sera utile de leur rappeler leurs premiers parcours à vélo ou une performance sportive, artistique. La réponse fusera aussitôt: «Mais ce n’est pas pareil!» À vous, parents de leur permettre de se souvenir combien c’était à priori difficile, qu’ils y sont parvenus et par quels moyens. Nous avons des ressources partout autour de nous, mais surtout en nous, dans nos souvenirs. Les blocages n’auront plus leur place si vous prenez l’habitude de mobiliser vos souvenirs moteurs.
Créer des habitudes d’écriture, une régularité inscrite à l’emploi du temps, mais pas n’importe comment
«Un truc pas drôle, je dois le faire tout le temps?». Bloqué tu es, bloqué tu resteras! Il est certain que, vu sous cet angle, l’exercice semble contre-productif. Alors, comment créer des habitudes qui donneront envie de se mettre à écrire? D’abord le sujet: pas de sujet. L’inspiration n’est même pas requise. Sentez-vous libre d’écrire ce qui vous passe par la tête sans contraintes orthographiques ou syntaxiques. Même si cela vous semble confus au départ, les idées deviendront plus claires et plus organisées au fil du temps. Ensuite la durée: ce que vous pouvez supporter, pas plus. Faites des pauses et continuez si vous le pouvez. Par contre, notez-la et augmentez-la progressivement, comme pour un entraînement sportif. Enfin, la relecture: sans jugement. Pas d’autocensure ni de critiques à votre égard. Souvenez-vous, soyez gentil avec vous-même. Il ne s’agit pas de décrocher le Prix Goncourt, mais de débloquer une redoutable paralysie. Les idées viennent en écrivant. Acceptez-les, même pêle-mêle, vous les trierez et les organiserez dans une deuxième phase.
Se fixer des objectifs réalistes
Un vocabulaire simple, des phrases courtes sont à privilégier dans un premier temps. Le réalisme consiste à se donner les moyens d’une rééducation: pas à pas, mais régulièrement. Si, chaque jour, vous décidez de consigner vos pensées sur un carnet ou tout autre support, c’est gagné! Vous serez en train de prendre l’habitude d’écrire. Donc premier objectif réaliste: prendre l’habitude d’écrire. Le deuxième découle du premier : écrire sans cadre, sans jugements, sans perfectionnisme. Le mieux est souvent l’ennemi du bien. Puis, se fixer soi-même des thèmes: mes vacances, mes rêves, mes envies, mes amis, mes parents, ce que je n’arrive pas à dire… Cette phase atteinte, vous sentirez le plaisir de la plume et l’envie de prospecter des sujets plus vastes ou plus intimes. Le voyage ne fait que commencer, c’est garanti!
Ne plus avoir peur et essayer face à un thème ou un sujet imposé
Arrivé à cette étape, voici ce que vous savez faire:
- Écrire librement et régulièrement
- Trier et organiser vos idées par thèmes
- Formuler vos idées en phrases complètes et structurées
- Relire et corriger
Il vous reste à améliorer certaines tournures, placer quelques transitions ou liaisons entre vos phrases, vérifier l’orthographe et vous assurer de répondre à la consigne donnée. Facile, non? «Ne plus avoir peur» peut donc se traduire par «avoir envie d’améliorer ce que l’on sait faire», une vision moins réductrice de vos capacités, constructive même. Le sujet imposé n’est qu’un cadre donné par quelqu’un d’autre, mais vous savez ce qu’est un cadre maintenant. En fait, l’acte d’écriture peut être vécu comme un jeu de piste dont vous seriez le héros. Le blocage est confortable, il vous évite de vous confronter à la critique, à l’échec, mais aussi au succès. Le meilleur moyen de surmonter votre peur est de commencer. Et si vous osiez?
Valérie THEVENIAUT